« Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie », ce que Paris doit à Haussmann !
Le 17 mars dernier après 12 jours de grève , la barre des 10.000 tonnes de déchets non ramassés dans les rues de Paris avait été atteinte.
Outre la saleté et les mauvaises odeurs, l’accumulation des détritus posent de nombreux problèmes d’insalubrité. La préfecture de police pointe également des problèmes de sécurité : ces tas de déchets peuvent provoquer des incendies.
La grève du ramassage des ordures dans la ville la plus visitée au monde ne passe pas inaperçue. Pour les médias étrangers, la mobilisation des éboueurs ternit l’image de Paris. Pour le quotidien madrilène conservateur, Paris s’est transformé en « décharge à ciel ouvert » dans laquelle « les rats à l’affût se pourlèchent les babines devant ce festin inespéré.
« La Ville Lumière ressemble plus à une ville poubelle », juge même « Forbes ».
Ces propos ne sont pas s’en rappeler ceux qui décrivaient Paris au milieu du XIXème siècle , avant que Napoléon III ne confie au baron Haussmann, la mission «Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie».
En effet ce que Paris doit au baron Haussmann, va bien au-delà de l’immeuble Haussmannien, même s’il reste emblématique de la capitale .
Un peu d’histoire…
Exilé en Angleterre entre 1846 et 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est impressionné par les quartiers ouest de Londres . La reconstruction de la capitale anglaise, suite au grand incendie de 1666, a fait de cette ville une référence en matière d’hygiène et d’urbanisme moderne.
Rentré en France, l’empereur veut transformer la capitale française.
A cette époque le centre historique de Paris a peu changé depuis le Moyen-Âge : les rues y sont étroites, peu éclairées et insalubres.
Au cours des années 1830, le préfet Rambuteau, prédécesseur d’Haussmann, constate les embarras de la circulation et les problèmes d’hygiène qui se posent dans les vieux quartiers surpeuplés. Il aurait déclaré il faut « donner aux Parisiens de l’eau, de l’air et de l’ombre ».
En 1834, Victor Considérant* écrit même : « Paris, c’est un immense atelier de putréfaction, où la misère, la peste et les maladies travaillent de concert, où ne pénètrent guère l’air ni le soleil. Paris, c’est un mauvais lieu où les plantes s’étiolent et périssent, où sur sept petits enfants il en meurt six dans l’année ». Dans ces conditions, la maladie se propage rapidement. Deux épidémies de choléra ravagent la ville en 1832 et 1848.
C’est dans ce contexte, que Napoléon III confie au nouveau préfet de Paris : Georges Eugène Haussmann, plus connu sous le nom de baron Haussmann, la mission de faire de Paris une ville aussi prestigieuse que Londres . La campagne sera intitulée « Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie » et durera de 1853 à 1870.
La première étape consiste donc s’attaquer à l’insalubrité .
- Paris assainie
Convaincu par les théories hygiénistes héritées des Lumières et diffusées à la suite de l’épidémie de choléra de 1832 , Haussmann souhaite faciliter l’écoulement des flux: les flux de population, le flux de marchandises, les flux d’air et d’eau.
C’est pourquoi il décide de détruire les quartiers privés d’hygiène, de raser les taudis et surtout d’assainir le réseau d’eaux, aussi bien potables qu’usées.
Avec l’ingénieur Belgrand, il crée des circuits d’adduction d’eau et un réseau moderne d’égouts. Il fait également construire les abattoirs de la Villette afin de fermer les abattoirs présents dans la ville.
Toujours pour améliorer l’hygiène, par une meilleure qualité de l’air cette fois, il aménage parcs et jardins. Un square est crée dans chacun des quatre-vingts quartiers de Paris.
Les parcs Montsouris et des Buttes-Chaumont voient le jour. Les bois de Vincennes et de Boulogne sont aménagés et deviennent des lieux prisés pour la promenade.
- Paris agrandie
Haussmann décide d’étendre la ville de Paris jusqu’aux fortifications de l’enceinte de Thiers. Le 16 juin 1859, une loi permet d’annexer à Paris plusieurs communes voisines limitrophes.
Ce sont aujourd’hui des quartiers bien connus de la capitale : Belleville, Grenelle, Vaugirard, La Villette ou encore Auteuil, Passy, Batignolles-Monceau, Bercy, La Chapelle, Charonne ou encore Montmartre.
Cette loi constitue une étape importante dans les grands travaux dirigés par Haussmann. La capitale française passe ainsi de douze à vingt arrondissements.
- Paris embellie
Haussmann a l’obsession de la ligne droite, ce que l’on a appelé le « culte de l’axe » au XIXe siècle.
Afin de mettre en valeur les monuments nouveaux ou anciens, Haussmann met en scène de vastes perspectives sous forme d’avenues ou de vastes places.
La place de l’Étoile et les Champs-Élysées en sont les exemples les plus célèbres. De nombreux boulevards et avenues sont percés de la place du Trône (actuelle place de la Nation) à la place de l’Étoile et, de la gare de l’Est à l’Observatoire.
Il fait aussi construire, ou reconstruire, des ponts sur la Seine ainsi que de nouvelles églises, comme Saint-Augustin ou la Trinité.
Il lance la construction de théâtres (théâtre de la Ville et théâtre du Châtelet), ainsi que deux gares : la gare de Lyon et la gare de l’Est.
Des règlements imposent des normes très strictes quant au gabarit et à l’ordonnancement des maisons. L’immeuble de rapport et l’hôtel particulier s’imposent comme modèles de référence. Les immeubles se ressemblent tous : c’est l’esthétique du rationnel.
L’immeuble haussmannien est né .
Reconnaitre un immeuble haussmannien
Les immeubles devaient respecter une même hauteur, ainsi que des mêmes lignes principales de façade pour ne former qu’un seul et même ensemble architectural.
La hauteur devait, quant à elle, être proportionnelle à la largeur de la voirie, et ne jamais dépasser 6 étages.
Un autre objectif, politiquement moins défendu, était de prévenir d’éventuels soulèvements, fréquents à Paris depuis la Révolution de 1789.
- Paris sécurisé
En démolissant et réorganisant le vieux centre de Paris, Haussmann a déstructuré les foyers de contestation. Le préfet de la Seine n’avait pas seulement pour ambition d’embellir et d’assainir la capitale. En dessinant ses grands axes, il voulait aussi prévenir d’éventuels soulèvements populaires.
Ce petit détour au XIXe siècle nous rappelle que les enjeux de sécurité dans les aménagements urbains ne sont pas nouveaux.
Et à moins de 500 jours des Jeux Olympiques de 2024 on se félicite du retour à la normale tant du côté du ramassage des ordures que des incinérations. C’est un soulagement pour les habitants, les touristes et tous les amoureux de la ville Lumière .
* réformateur social français